» ● The Frozen World

« Ce que la voix peut cacher, le regard le livre. » G. Bernanos.

« Bien, reprenez vos places ! Whisper, je lâcherai le vif d'or dès que tu te seras postée devant l'anneau central des buts adversaires. Tient toi prête ! » Lança le capitaine de l'équipe de Quidditch des Serdaigle.

Ces derniers s'entrainaient assidument en vu du très proche et futur match où ils devraient affronter l'équipe de Serpentard. Cette année, ces derniers avaient une équipe absolument étonnante avec des éléments tous pour le moins excellents. On ne pouvait pas en dire moins des bleu et bronze mais la chance risquait tout de même de leur filer sous le nez ; voila pourquoi ils s'entrainaient sans relâche. Whisper acquiesça sans dire un mot et décolla aussitôt, au dessus de ses coéquipiers. La vague habituelle de liberté l'accueillie à bras ouvert, le vent léger et frais comme une caresse sur sa peau de porcelaine. Elle ferma les yeux, sentit vibrer le manche de son balai au creux de ses mains et effectua une pirouette avant de rejoindre son poste. Elle adressa un regard vif de ses grands yeux sombres et chocolat à son capitaine et le coffre s'ouvrit en même temps que les autres joueurs décollaient. La minuscule boule d'or s'envola haut dans le ciel sombre. Les nuages, absents au début de cet entrainement, s'étaient accumulés en deux heures, ne laissant plus de place au soleil et au bleu azur du ciel. Azur... peut-être plus à sept heures et demi, d'accord. La jeune fille essaya de trouver le vif d'or du regard, tandis que le match débutait quelques mètres plus bas. Whisper ne mit que quelques secondes à le repérer ; il ne devait être guère en forme celui-là. Prenant le temps de réfléchir à la distance qui l'en séparait, elle fondit sur sa proie, piquant vers les pieds des buts adverses. Un cri d'une des poursuiveuses la fit brusquement s'arrêter, à quelques mètres du sol, quelques mètres de la balle scintillante. Puis une explosion d'étoiles blanches et confuses éclatèrent devant ses yeux. Un cognard venait de s'écraser avec force contre l'arrière de son crâne. Les yeux chocolats se voilèrent un instant d'une buée caractéristique et la jeune fille tomba silencieusement, comme au ralentit, sous les yeux de ses coéquipiers. Le silence reignait sur le stade tendit que le corps de poupée élancée s'enfonçait dans le sable, rebondissait un peu et s'arrêtait de bouger. Etendue sur le dos, ses camarades remarquèrent immédiatement que quelque chose n'allait pas — Son bras droit était passé sous son corps, son poignet retourné sous son dos. Whisper ne bougeait pas, les yeux grands ouverts. Elle avait juste froid et pour la première fois de sa vie, elle n'arrivait plus à voir dans le noir...

***

« Vous croyez qu'elle va se réveiller ? Demanda une voix ou perçait quelques sanglots.
— Ne dit pas de bétises ! Tu sais bien qu'elle est vivante ! Elle a fait une chute très douloureuse mais elle se rétablira très vite, répliqua une voix qui ne semblait pourtant pas plus rassurée.
— Mais elle ne bougeait plus, elle semblait... continua la voix en gémissant.
— Tais toi un peu Olivia !... Regardez ! Elle a bougé la main ! » S'écria une voix masculine.

Whisper sentait en effet que des gens remuaient autour d'elle, s'agitaient, attendaient, nerveusement. Et la tension, elle la rescentait parfaitement. Elle commençait à revoir à travers le voile brumeux sur ses yeux. Mais ses paupières ne bougeaient pas. Etait-elle inconsciente depuis longtemps ? Avait-elle gardé les yeux toujours ouverts ? Peu importe, elle avait mal de partout. Une douleur aiguë la tiraillait plus qu'ailleurs au niveau du poignet. Un détail étrange lui revint alors en tête. Pourquoi pensait-elle à cela en cet instant ? Bonne question. Elle ne parvint qu'à murmurer, un mot... ils comprendraient, elle en était sure. Whisper les avait avertis auparavant. Mais combien de temps auparavant d'ailleurs ?

« Madero.»

Les autres élèves, penchés au dessus d'elle, se regardèrent, l'air pincé, surpris ou appitoyé. L'un d'eux se leva pourtant et sortit de l'infirmerie en silence. Ils avaient oublié de prévenir le professeur d'astronomie de l'absence de Whisper qu'il devait attendre depuis une bonne heure à présent. En arrivant devant son bureau, le gardien de l'équipe de quidditch de Serdaigle entreprit de frapper doucement. A quelques étages de là, Whisper reprenait doucement, très doucement ses esprits, puis replongeait dans le sommeil, rapidement cette fois.

Les nuages s’amoncelaient là haut dans le ciel, voilant le soleil. Il le savait. Cela faisait un peu plus d’une heure qu’il l’attendait, seul, dans son bureau glacé. Il s’était levé tôt rien que pour elle, alors qu’il aurait pu dormir encore un peu. Avait prit soin de lui, n’était point négligé, rien que pour elle alors qu’il aurait très bien pu paraître ensommeillé que cela ne l’aurait certainement pas choquée. Le dhole dormait en haut, se laissant bercer par les craquements du parquet mimant la respiration de la tour où ils habitaient. Tikaani était résolument seul, sans personne avec lui pour le soutenir dans ses inquiétudes. Que se passait-il donc, avait-il fait quelque chose de mal pour qu’elle ne vienne pas ? Lui était-il arrivé quelque chose à son entraînement ? Peut-être aurait t-il dû aller la regarder voler. Parfois, il le faisait. Jamais pendant els grand match, oh, non. Pendant les entraînements seulement, caché dans les gradins, de peur qu’on ne l’aperçoive. Cette peur, il ne savait pas d’où elle venait. Un frisson lui parcourut l’échine alors qu’il pensait à ses cheveux roux et à ses yeux noisette. Elle qui ne ratait jamais un cours, ou qui toujours prévenait. Il se sentit abandonné. Le professeur passa une main dans ses cheveux lissés en arrière comme à leur habitude, tracassé et cherchant ce qui n’allait pas. C’était si calme… Si calme qu’il entendit quelqu’un grimper les escaliers de la tour, et essoufflé d’avoir monté si vite tant de marche, l’inconnu toque à la porte de la salle, que le professeur ouvrit, angoissé. Ce n’était pas les pas de Whisper. Ce n’était pas elle. Mais quelqu’un de l’équipe de quidditch des Serdaigle. Cela ne présageait rien de bon. L’adolescent face à lui sembla être intimidé par son regard obscur, ses sourcils froncés et ses traits crispés. Quelques mots bafouillés lui échappèrent et il n’eut pas besoin d’en dire plus pour voir le visage de Tikaani prendre une toute autre expression. Plus humaine, plus fragile. Celle de la peur, de la terreur. Whisper avait fait une chute ? Sans en attendre plus, le lycan dévala les escaliers, le Serdaigle juste derrière tentant de suivre le pas rapide du professeur qui se mit à courir au travers des couloirs. Oublié le fait qu’elle ait été absente, oublié le fait qu’il eut un vague sentiment d’abandon, oublié tout le reste, son prochain cours qui débutait bientôt. Whisper était blessée, Whisper était blessée… Seul ces mots résonnaient dans sa tête et firent naître des larmes qu’il eut du mal à contenir.

Enfin se présenta à lui la porte de l’infirmerie qu’il poussa sans ménagement et chercha des yeux sa petite protégée. Elle avait pensé à lui, lui qui s’était cru abandonné ! Ah, quel idiot il était ! C’était lui qui l’avait abandonné, qui n’était pas venu. Peut-être aurait-il pu la sauver de sa chute. Il cria son prénom. Des têtes se tournèrent vers lui. Tous étaient agglutinés autour de son chevet, où paisiblement elle semblait dormir. Tikaani s’en approcha, osant poser ses mains sur les autres pour se frayer un chemin ; il y avait un bandage sur son bras et quelques égratignures sans importance. Juste une chute. Juste son bras. Rien d’autre. Tous les scénarios avaient filé dans sa tête. Le voilà soulagé de la voir assoupie devant lui. Le silence se faisait autour d’eux. Etais-ce bien Mr. Madero qui passait sa main sur la joue chaude de Whisper ? Etais-ce bien lui qui se mit à pleurer de la voir encore en vie ?

« Whisper… »

il ne savait plus dire que ce prénom qui sonnait si bien dans sa bouche. Oubliant sa peur du contact qu’il avait déjà brisé en frôlant de ses doigts sa peau, il se pencha au-dessus d’elle et ne résista pas à l’envie de la prendre dans ses bras, tout doucement, comme une poupée fragile, une poupée précieuse aux cheveux de soie et au corps de cristal. C’était un peu lui, cette petit. Aussi transparente, vulnérable, muette que lui. Il y eut quelques murmures auquel il ne fit pas attention, sa tête juste aux côtés de selle de la demoiselle aux yeux encore clos. L’infirmière arriva alors et, avec un air outré chassa les adolescents de la pièce, leur disant qu’à présent elle allait bien et qu’ils feraient mieux d’aller en cours. Elle contempla un instant ce corps ramassé, si grand et fin sur celui de la Serdaigle qui semblait être encore une enfant. Tikaani l’avait prit dans ses bras. Lui qui refusait même qu’on le touche pour lui panser une plaie faite on ne sait comment pleurait silencieusement en serrant un corps si fragile. Tout était de sa faute. S’il avait été là il aurait pu la protéger, non ? Le lycan avait eu l’impression que encore une fois, il allait perdre un être qui lui était cher, un être qui lui ressemblait tant qui plus est. Mais Whisper allait bien. Whisper s’en remettrait.

« Whisper… »

Autour de toi, dans les profondeurs abyssales des nuits sans rêves, la chaleur succède aux ténèbres comme les ténèbres succèdent à la douceur. Le sommeil profond dans lequel était plongé Whisper semblait involiable. Le froid et la douleur s'étaient estompés grâce à de nombreuses potions et après cette rude épreuve, la belle poupée ne voulait plus sortir de ce sommeil si réconfortant. Elle avait tout juste eu le temps de revenir, consciente, en lieu et place de l'infirmerie, sous les yeux de ses coéquipiers sportifs avant de replonger dans cette nuit sans lumière. A présent, son corps fragile et frêle reposait sur ce lit confortable, son esprit vagabondant seul dans son sommeil bienfaiteur. Whisper avait entendu — elle se réveillerait. Mais pour l'heure, elle désirait dormir encore, rester le plus longtemps possible dans ces abysses, seule, silencieuse et reposée. C'était un monde qu'elle aimait. Un monde où l'on ne venait pas la déranger. Un monde où une personne à laquelle elle tenait énormément lui caressait doucement la joue. Cette personne n'était pas comme les autres, elle était comme Whisper et même si cette dernière n'avait jamais réussi à vraiment extèrioriser ses sentiments, elle savait qu'il avait compris qu'il était des plus important pour elle. Il savait, elle en était sure, que même si elle ne parvenait pas à lui montrer comme il l'aurait fallu, elle tenait plus à lui qu'aux autres. On murmurait son nom quand la tranquilité se faisait autour de son monde parallèle. Un monde parallèle qui commençait à se fissurer, la ramenant doucement à la réalité tandis que l'être cher la prenait dans ses bras, avec une délicatesse infinie. Elle se sentait bien dans ces bras. On murmura de nouveau son nom. Whisper voulait sourire, l'étreindre aussi, pour lui rendre son affection, lui faire savoir qu'elle était là ; car elle n'aimait pas ce ton inquiet. Whisper quittait peu à peu son monde confortable et silencieux en s'en voulant de lui avoir causé du chagrin, de l'avoir laissé quelques instants. Elle avait manqué à son appel car elle n'avait pas été assez rapide. Et on appelait de nouveau son prénom. Whisper ouvrit doucement les paupières sur son regard chocolat si profond.

Ce même regard rencontra une chevelure noir de jais. Puis un visage, un visage familier, surlequel des larmes avaient coulées. La gorge de Whisper se serra un instant — elle devait être la cause de ses pleures. C'était par sa faute que cet homme, si fragile, si cher, était dans cet état. Elle voulait sourire pour le rassurer ; elle qui ne souriait qu'en de rares occasions et à de rares personnes. Mais au moment où ses lèvres rouges sang allaient exercer ce mouvement peu familier, en guise de cadeau à cet homme, quelque chose d'autre la perturba. Justement, ce personnage, si mystérieux, distant, transparent, muet... l'étreignait. Tikaani Madero étreignait la belle poupée de pourcelaine. Au lieu d'un sourire ce fut une expression de surprise intense qui envahit le visage de Whisper. Ses joues blanches se colorèrent peu à peu. Elle n'avait jamais imaginé que cet homme pourrait franchir les limites qu'il s'était lui même imposer face aux autres humains — Whisper s'en sentit encore plus coupable de ne pas réussir à lui témoigner son affection si grande depuis des années déjà. Doucement, mais surement, sa main non bandée se leva, s'approcha lentement de l'homme étendu sur elle et se posa avec douceur sur son dos, scellant ainsi leur étreinte.

« Je suis... désolée, » murmura t-elle tout simplement, près de l'oreille de Tikaani.

Le respect qu'elle avait pour lui, son affection et sa culpabilité l'avaient puossé à demander pardon à ce personnage envers qui elle portait des sentiments qu'elle ne portait d'ordinaire pas aux autres humains. Elle était au comble de l'étonnement certes, mais le geste qu'il avait eu envers elle ne faisait que renforcer une idée ; quelque chose de magique c'était crée entre ces deux êtres à la fois si lointains et pourtant semblables en mains endroits et sous bien des facettes. Sa main se reserra même autour du vêtement du professeur pour lui communiquer son sentiment tandis qu'elle respirait l'odeur qui émanait de lui. Une odeur si différente des autres, qui lui plaisait pourtant et qui l'amenait à avoir beaucoup d'estime pour ce personnage. Un personnage qui venait de lui montrer qu'il en avait autant pour elle.

« Plus jamais seul, promis, » Ajouta t-elle de sa voix douce et basse.

Une promesse. Une promesse venant de Whisper. Ca n'était pas rien. Une promesse de la belle équivalait à beaucoup de chose. Elle ne promettait que rarement certes mais lorsqu'elle avait promis, Whisper ne manquait jamais à son devoir, l'honorant dès que possible et ne l'ommétant que lorsqu'elle n'avait aucune autre solution, ni alternative. Et ce soir, Whisper venait de promettre à l'homme qui la serrait contre elle qu'elle ne le laisserait plus jamais seul lorsqu'il avait besoin d'elle ou qu'il la demandait. Un sourire se dessina alors sur ces lèvres rouges, tandis que les yeux noisettes battaient des paupières. Enfin.

Petit à petit elle s’éveilla sa belle princesse, sa poupée de verre, son petit faible. Elle entr’ouvra ses surprenants yeux, lui arrachant un frisson d’extase, de peur et d’horreur, sentiment étrange. Le loup-garou plongea non sans douleur son regard de glace dans ses yeux de chocolats, et ils fondirent instantanément, comme deux glaçons dans cette boisson chaude et veloutée. Ses larmes redoublèrent. Ce regard si innocent, si plein de beauté, de gentillesse, de grandeur d’âme. Non, elle ne lui ressemblait pas ! Son regard était laid, sans âme, sans envies. Ses yeux, ils le regardaient, tout émoustillés, tout chamboulés de le voir ainsi fondre et se noyer si vite. Ah ! Mais quel merveilleux spectacle qu’ils étaient ! Tikaani ne put s’en défaire et resta là, souffrant de les regarder, mais consentant à mourir petit à petit, se fondant complètement en elle, tout près d’elle. Son corps brûlant ne l’était pas autant que celui de Whisper, la bouche entrouverte, aussi surprise que son regard. Et, oh, néfaste bonheur ! Une main se posa sur le corps de Tikaani, qui eut un sursaut de surprise. Mais ce n’était rien d’autre que la fragile menotte de Whisper, qui pour le réconforter s’était glissée sur son vêtement en un frissonnement de tissu froissé. Tikaani ne réussit à rien dire, assommé, mais dans l’étang froid de ses yeux on lisait tant de questions, tant de sentiments que Whisper sut décrypter sans aucun souci.

« Je suis... désolée, » murmura t-elle tout simplement, près de l'oreille de Tikaani.

Désolée, qu’elle était. Tikaani la relâcha légèrement, à son tour surpris. Ce n’était pas sa faute… Non, comment pouvait-elle être fautive de quoi que ce soit, sa belle étoile ? Si ses mains n’étaient pas déjà occupées, peut-être se serait-il laissé aller à caresser son front pour la rassurer. Tout ce qu’il put faire c’est, douteux de ce qu’il accomplissait, resserrer ses bras forts autour de cette enfant à peine éclose alors qu’elle faisait de même. Parce que ce n’était pas de sa faute, parce que c’était la sienne, lui qui avait un instant détourné son attention de cette poupée qui en avait profité pour chuter, sur le sol dur et boueux. C’était la seule avec qui il pouvait se comporter ainsi à présent. Sa beauté n’était pas celle de la directrice, sa grâce pas celle d’un vampire, sa volupté pas celle d’une vélane, mais qu’importe, aux yeux du professeur, c’était tout ce qu’il y avait de mieux au monde. Tous ces artifices, la beauté, la grâce et la volupté, elle n’en avait pas besoin. Juste comptait ses yeux, sa présence, ses mots. Le corps n’était qu’un autre moyen de s’exprimer que Tikaani redécouvrait. Des gestes, caresses, embrassades qui étaient encore bien embarrassantes mais dont il ne pouvait se défaire maintenant qu’il y avait goûté. Pour cela à présent, il craignait Whisper. Parce que c’était la première, depuis à présent si longtemps, qui avait réussi à le faire sortir de sa carapace de son plein gré. Pour seule réponse, Tikaani enfouit son visage dans le cou de son élève, effleurant sa peau de ses lèvres, sa chair de son souffle. C’était son élève, et alors ? Plus rien ne comptait que le lien qu’ils avaient tissés et qui à présent arrivait à son apogée. Parce qu’on est si bien dans les bras de quelqu’un qu’on aime ! Les mots ne suffiraient pas à exprimer ce qu’il ressentait.

« Plus jamais seul, promis, » Ajouta t-elle de sa voix douce et basse.

Plus jamais seul, ça, non. Promis. Il sourirait Tikaani, s’il en avait l’envie. Mais la peur de l’avoir crue perdue était encore là, plaie béante, mais sur laquelle Whisper mit un peu de baume. Jamais elle ne lui avait fait de promesse, auparavant. Jamais personne ne lui en avait fait. Lui en avait fait, bien souvent, et n’avait réussi à les tenir, ses promesses. Alors il ne risqua pas à en faire une, bien que ce soit pour Whisper. Il articula juste quelques mots, tout près de son oreille comme elle avait fait de sa voix grave, sérieuse, riante, charmeuse, tremblante de larmes.

« Seule, ça, c’est certain, plus jamais ! Tu m’as fait si peur… Whisper… »

Encore ce prénom, ce joli prénom qu’il ne se lassait plus de prononcer comme s’il avait peur qu’encore elle ne s’éloigne, ce prénom par laquelle Tikaani la rappelait près de lui, sans cesse. Son corps frissonna alors qu’il la serra encore un peu plus fort. Avec toute sa force d’homme, de lycan. Une force à briser une fleur si délicate… Tout ce qu’il touchait, il le brisait ! Tout ce qu’il effleurait se cassait et là, que faisait-il ? Le lupeux fut prit de peur. La même peur qui toujours l’obsédait, celle de faire du mal. Et si ce geste avait été de trop ? Et si par sa faute, tout allait tomber, à présent ? Ce qu’ils avaient construits, laborieusement, cette confiance sans borne l’un envers l’autre, si tout allait être réduit à néant par cette étreinte ? Le contact physique ne lui avait apporté que des malheurs auparavant. Tout comme aimer, et désirer. Désirer rester ainsi et que plus rien ne bouge. Tout contre sa Whisper. Alors il relâcha son étreinte, brusquement, mais restait néanmoins proche, et la regardait, effaré et rougit de honte et de gêne. C’était son élève, qu’allait penser les autres ? L’infirmière, où était-elle, avait-elle tout vu ? Mais son regard ne pouvait quitter le visage de l’adolescente qu’il avait osé enlacer. Etais-ce moral ? Est-ce que avoir des sentiments était moral ? Bien sûr que non, bien sûr que si ! Déconcerté par lui-même, Tikaani essuya d’un revers de manche ses yeux rougis par les larmes et s’assit sur le bord du lit, rompant par la même occasion tout contact physique et visuel. Le loup dirigea son visage vers les fenêtres, le cachant à Whisper. Pleurer n’a rien de beau.

« Je vous ai mis dans l’embarras, pardon ? »

Que venait faire ici le vouvoiement, cette distance qu’auparavant il avait elle aussi sautée ? Et étais-ce une question ? Sa voix prenait une telle intonation qu’on n’en était pas sûr. C’est comme si tout ce qui venait de se passer, il voulait à présent l’effacer de sa mémoire, aussi subitement que cela était survenu, oublier la douceur de la peau de Whisper et le sang qu’il avait entendu battre en elle. Ce n’était pas possible, c’était impossible. Un instant, il avait failli la briser un peu plus qu’elle ne l’était. Mais ces pensées ne parvenaient pas à le convaincre. En ce retirant si violemment,c’est lui-même qu’il avait brisé.

» Nora... and the world Around *