«Si, si, elle écoute touuut c'que je lui dis. Enfin... Presque.» [Topic fini]

Jacob avait la réputation d’avoir le sommeil lourd. C’est bien simple, les murs auraient pu s’écrouler autour de lui ou un groupe de lapins auraient pu venir lui lécher copieusement le visage – Hm. Heurk – ou Seth aurait pu faire un medley des tubes Moldus et Sorciers au creux de son oreille – quoi que devant un tel spectacle et si son ami portait en plus une tenue de scène, il aurait peut-être pu réagir - il aurait paisiblement continué sa nuit. Seul son réveil parvenait irrémédiablement et pour son plus grand déplaisir, à toujours le tirer du profond sommeil dans lequel il était plongé. Et encore, ledit réveil devant bien souvent accentuer et répéter sa sonnerie stridente, avant que Jacob ne daigne sortir une main de sous les couvertures, dans le froid, pour venir l’éteindre. Un tel besoin de sommeil était aisément explicable : les transformations répétées - bien qu’il fût désormais habitué par celles-ci - restaient épuisantes, et, ajouté à cela, le poids des cours et des devoirs à effectuer à la fin des journées, tout ceci finissait juste par lui donner envie de rejoindre au plus vite son lit.

Quoi qu’il en soit, ce soir là, la nuit semblait prendre une toute autre tournure. A son grand désarroi, Jacob était victime d’insomnie. Il ne cessait de se tourner et de se retourner dans son lit, sans parvenir pour autant à plonger comme un bienheureux dans les bras de Morphée. Le manque de sommeil ornait pourtant ses yeux bleus de larges cernes. Et vu l’air grincheux qu’il affichait déjà, toute personne sensée aurait préférée le voir dormir plutôt que de passer une journée avec lui, dans cet état. Finalement, lorsque le soixante dix-huitième Edward eut, vêtu d’un tutu rose, passer par-dessus une barrière en effectuant un sourire digne de Miss Sorcière Hebdo et un geste de la main à en faire pâlir la Reine d’Angleterre, Jacob, toujours autant éveillé, décida de se lever. Il était encore beaucoup trop tôt pour prétendre à un petit déjeuner et beaucoup trop tard pour organiser une soirée improvisée dans la salle commune de Gryffondor. Il opta donc pour une ronde dans les couloirs du château. Il effectuait régulièrement des virées nocturnes dans les couloirs depuis sa première année à Poudlard, mais il était particulièrement heureux de voir que son poste de Préfet-en-Chef lui en donnait désormais l’autorisation.

Revêtu d’un jean et d’un tee-shirt, il se lança dans son expédition. Ponctuée d’un solide « Lumos », sa baguette lui ouvrait le chemin, Jacob trainassait, découvrant et redécouvrant le château, s’arrêtant devant tel tableau ou tel tableau – « Y’avait pas un Scroutt à Pétard dans celui-là ?» « Si, mais il est devenu ami avec le frère de l’ami de mon cousin du second degré du côté paternel. » « Euh… » « Vous devez connaître, c’est le chevalier en armure qui donne souvent l’assaut » «De qui, votre cousin ? » « Ben non, mon père. C’est d’ailleurs lui qui… » Hm. Bref. Jacob avait désormais atteint le cinquième étage et n’avait aucun élément croustillant à raconter à Seth au petit déjeuner, hormis une discussion fort inintéressante avec un tableau du sixième étage, lorsque, au détour d’un couloir, il aperçut finalement une ombre. Petite, frêle, odeur corporelle non-dérangeante, à vu de nez il y avait là un ou une élève de première ou deuxième année. L’inconscient ! Ne savait-il pas que le règlement était là pour être respecté et non transgressé ? Lui-même, durant toute sa scolarité avait été un exemple du respect des règles et… Euh… Mouais, non. Fort mauvais choix. Au contraire, il était l’exemple même de l’élève qu’il ne fallait surtout pas imiter. Mais il possédait de quoi se défendre, lui.

Bref. Quoi qu’il en soit, sieur Bleiddwin était fort peu satisfait de voir un élève se balader à une heure aussi tardive dans les couloirs. Surtout qu’il n’était pas d’humeur à écoutez les traditionnelles sornettes du genre « Mais j’te jure que j’suis somnambule ! J’me suis réveillé là, en plein milieu du couloir avec des bombabouses dans la main. C’est dingue, n’est-ce pas ? » ou simplement « J’voulais aller faire pipi… ». Au lieu de ça, il s’exclama :

- Hey ! Il est interdit de se promener la nuit dans les couloirs.

Au lieu de s’excuser pour son comportement inexcusable, Jacob eu la grande surprise de voir l’élève s’enfuir à toutes jambes, dans la direction opposée à la sienne. Comme si ça ne suffisait pas ! Voilà qu’il devait désormais se mettre à poursuivre un élève, pour sa propre sécurité, qui plus est… Jacob n’hésita pas et une course effrénée s’engagea entre lui et…. Sa nouvelle proie. Le pied de celle-ci fini par buter contre un carreau ou contre un élément non identifié provenant du plancher – Jacob n’était pas assez prêt pour mettre un nom sur un objet – et elle s’écroula sur le sol. La tâche était relativement aisée. Oh, il est certain qu’il aurait finalement réussit à la rattraper sans cette chute. Mais celle-ci lui permettrait d’ajouter à sa punition, une petite morale du style « Tu vois, tu aurais pu éviter tout ça en dialoguant avec moi et en évitant la fuite » ou « On ne court pas dans les couloirs !! ». Poussant un profond soupir, Jacob se rapprocha à pas vifs de l’élève, hésitant à lui assené de violentes critiques pour son comportement irresponsable ou à lui demander s’il ne s’était pas fait mal. Les mots moururent dans sa bouche, lorsque la silhouette se fit plus familière. Il se trouva même stupide de ne pas l’avoir reconnue plus tôt. Il courut plus qu’il ne marcha vers elle et se pencha sur celle-ci. D’un ton abrupt, il demanda :

- Qu’est-ce que tu fais ici aussi tard, Maëlia ? Ne t’avais-je pas demandé d’éviter les promenades nocturnes ?

Il aurait mieux fait de les lui interdire, oui ! Au moins, elle aurait peut-être respecté ses instructions à la lettre. Et après on venait lui dire qu’il se montrait un peu trop « chiant » avec sa sœur. Normal ! Il savait pertinemment qu’elle n’écouterait pas forcément ses conseils avisés. (Hum.) Autant dire que Jacob était furieux contre sa petite sœur. Furieux que celle-ci ne lui obéisse pas au doigt et à l’œil, furieux qu’elle se mette à fuir devant lui, furieux qu’elle se balade en pleine nuit, l’air de rien, entre des murs remplit de dangers. Etait-elle inconsciente ? Ou ne lui avait-il pas assez répété qu’elle devait se montrer plus prudente ? C’était peut-être de sa faute, après tout… Il ne la surveillait pas assez. Jacob se mordilla les lèvres, s’en voulant de son brusque accès de colère. Soucieux du bien-être de sa petite sœur, il l’aida à se relever et lui demanda d’une voix désormais adoucie :

- Tu ne t’es pas fait mal, au moins ?

Il était légèrement mortifié contre lui-même. S’il ne se comportait pas comme un grand frère intransigeant avec elle, elle n’aurait probablement pas eu peur de sa réaction en le voyant dans les couloirs, et ne serait pas mise à courir puis à tomber. Bref, une succession d’évènements malheureux dont il se sentait particulièrement responsable.

La bonne blague ! Parce qu’il sortait la nuit dans les couloirs, elle considérait qu’elle en avait aussi le droit, ou tout du moins, qu’il n’avait pas à lui en vouloir comme il lui montrait ! Même si ça partait d’une bonne intention – Hm… Ouais, ouais, ok, ok. Ça ne partait probablement pas d’une bonne intention, mais il était nécessaire pour Jacob d’arrondir les anges d’une certaine manière afin de ne pas laisser sa colère exploser - elle ne devait pas forcément suivre le même chemin que son aîné. Le hic, c’est qu’ils n’avaient pas le même âge, ni la même corpulence et qu’ils ne se transformaient pas tous les deux en loups-garous quand bon leur semblait. Ce qui signifie que, face au même danger, Jacob aurait eu plus de facilité pour s’en sortir que Maëlia. Il fallait au moins lui reconnaître une chose : elle avait un certain tact pour éluder les questions gênantes. C’était l’une des qualités familiales. Jacob possédait la même, sauf qu’il l’utilisait généralement en cours - et non contre les membres de sa propre famille, quoique… - lorsqu’il ne parvenait pas à répondre à telle ou telle question professorale. Quoi qu’il en soit, devant tant d’aplomb, il était face à un mur. Devait-il réellement lui expliquer clairement le danger auquel elle s’exposait ? Et lui démontrer, preuves et exemples à l’appui, qu’elle ne devait pas réitérer ce qu’elle venait de faire ? Jacob opta finalement pour une solution de substitution :

- C’est pour aller punir les élèves inconscients comme toi, que j’agis comme je le fais ! Mais je préférerais rester au chaud dans mon lit et tu devrais faire pareil.

Hm... Mouais. Il aurait probablement pu lui sortir quelque chose de plus pertinent et de plus percutant. Pourquoi ne pas utiliser sa condition de Loup-garou, exprimant la nécessité d’errer pendant quelques minutes, en toute liberté ? Maëlia était parfaitement consciente, pour l’avoir vu faire de nombreuses fois, qu’il éprouvait parfois le besoin de se transformer et de parcourir ainsi de longues distances... Alors que là, sa réflexion manquait cruellement d’autorité et d’arguments solides prouvant qu’il avait raison et qu’elle devait juste lui obéir sans broncher. Si leurs places avaient été inversées, il lui aurait tout bonnement rit au nez. Lui qui avait, d’ordinaire, réponse à tout, était loin d’avoir excellé, cette fois-ci ! Il ne perdit pas contenance pour autant et préféra finalement s’arrêter sur les propos qu’elle avait tenus plus tôt, détournant adroitement la discussion.

"Je n'arrivais plus à dormir..."

…Et ? Maëlia restait muette. Son regard se porta de nouveau sur le sol, comme si elle avait honte ou qu’elle se sentait en faute. Son hésitation était palpable et elle n’avait pas échappé à Jacob. Que lui cachait-elle, encore ? Le temps d’une soirée, il avait la vague impression de redécouvrir sa sœur. Et ce qu’il voyait pour le moment l’inquiétait quelque peu. Depuis combien de temps avait-elle le caractère d’une aventurière ? Jacob s’efforça d’effacer rapidement cette image de son esprit, se concentrant sur l’état tendu de sa petite sœur. Après quelques secondes d’un silence gênant, et, sentant que Maëlia ne parlerait que s’il la poussait un peu, Jacob reprit doucement :

- Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu as un problème avec tes cours ? Quelque chose te tracasse pour que tu ne parviennes pas à dormir ?

Bref silence.

- Maëlia, je ne veux pas me montrer trop pénible, mais on pourra trouver une solution ensemble si tu m’en parle...

Son côté grand frère ultra-protecteur revenait à la charge. Et une once de curiosité couronnait le tout, le poussant à la faire parler.

Maëlia parvint finalement à se confier. La gorge nouée par ce qu’elle évoquait, Jacob l’écouta silencieusement. Il avait une curieuse impression de déjà-vu. Légitime, puisqu’il avait vécu une scène quasi-similaire lors du décès de ses parents et qu’il en rêvait parfois la nuit. Sauf qu’il n’y avait que le père de Longsdale et que Maëlia était beaucoup trop jeune pour en avoir un quelconque souvenir. Alors comment pouvait-elle rêver d’une chose aussi réaliste ? Comment avait-elle pu associer la famille de Longsdale au décès de leurs parents, alors qu’il ne lui en avait jamais parlé ? Il devait probablement avoir évoqué ce passé devant elle, en parlant avec Ephraïm ou lors d’une conversation avec Seth ou Luthien. Il devait se montrer plus prudent à l’avenir et prendre garde aux propos qu’il pourrait tenir la de Longsdale et sa famille, lorsqu’il était en présence de Maëlia. Ou lui avouer tout simplement la vérité pour qu’elle puisse comprendre la raison de ses cauchemars. Jacob était face à un dilemme. Son désir de ne pas parler de toute cette histoire à sa sœur commençait peu à peu à lui sembler obsolète, face à ce qu’elle venait de lui raconter. Et en même temps, il ne pouvait se résoudre à tout lui expliquer. Par crainte de voir sa sœur se venger, peut-être ? C’était loin d’être son caractère, elle semblait plus réfléchie que Jacob, sur ce point, mais il ne pouvait être sûr de rien.

Les larmes coulant sur les joues de sa sœur, tirèrent Jacob de ses pensées. Maëlia pleurait très rarement devant son frère. Les dernières crises de larmes remontaient à leur enfance, lors de leurs quelques disputes tout à fait naturelles entre frère et sœur. Jacob n’étant pas toujours forcément de bonne humeur, il ne faisait pas preuve d’une grande patience ou d’une grande attention à l’égard de sa sœur et généralement, tout se finissait en dispute associée parfois aux larmes. Bien entendu, la réconciliation ne tardait pas. Ici, pour s’être mise ainsi à pleurer, Maëlia devait forcément être bouleversée, fatiguée, par ses cauchemars à répétition. D’abord surprit par sa réaction, Jacob posa ses mains sur les épaules de sa petite sœur et se pencha vers elle avant de lui murmurer doucement :

- Mon petit bouchon…

« Mon petit bouchon », surnom affectueux qu’il n’utilisait qu’en cas d’extrême urgence. Lorsqu’il était coincé nu derrière un arbre : « Euh… Mon petit bouchon… C’est un peu gênant, là, mais j’avais oublié qu’on avait des invités ce soir, et je ne peux pas rentrer dans la maison transformé en loup-garou. Tu peux aller me chercher des habits s’il te plait ? », ou lorsqu’il avait poussé la plaisanterie un peu trop loin et que la porte de la chambre de sa sœur se claquait devant son nez : « Rôôôô… Oui, je sais, je n’aurais pas dû sortir mes canines devant tes amies moldues… C’est pas si grave ! Tu boudes, mon petit bouchon ? » « Je ne suis pas ton petit bouchon ! » Ahem. Mauvaise utilisation du surnom, ou lorsqu’il rentrait un peu tardivement d’une de ses virées nocturnes : « Ah. Maëlia… T’es réveillée ? Euh… Dis, tu voudrais bien garder notre rencontre pour toi ? Hein ? Mon petit bouchon ? Je n’étais pas sensé rentrer si tard… ». Dans le contexte actuel, c’était sensé réconforter sa petite sœur et faire apparaître un petit sourire sur son joli minois.

- …Ce n’est qu’un cauchemar. Crois-moi, je ne suis pas prêt de te laisser tomber. Et surtout pas à cause d’une quelconque sang… D’un quelconque vampire. Ce qui est arrivé à papa et maman ne va pas m’arriver. Ça ne peut pas m’arriver puisque tu es là et que je dois te protéger et t’empêcher de te balader seule la nuit dans les couloirs.

Il esquissa un léger sourire amusé, tentant, tant bien que mal, de faire changer les larmes de sa petite sœur en rire. Derrière cette façade qui se voulait rassurante, Jacob n’en menait pas large. Comment avait-elle pu si justement relier le père d’Ailyn de Longsdale au décès de leurs parents ? L’avait-elle un jour rencontré ? Hm. Oui. Le jour où Jacob avait acheté ses fournitures de première année. Elle avait probablement perçu la rage et la haine qui émanait de Jacob envers cet homme. Et son subconscient avait fait le rapprochement.

Les larmes s’étaient taries, un sourire s’affichait de nouveau sur le visage de sa sœur, pour le plus grand soulagement de Jacob qui n’était pas forcément très à l’aise lorsque sa sœur se retrouvait dans un tel état. Quels étaient les mots à employer ? Les gestes à effectuer ? Par chance, ou parce qu’il était doué, tout simplement – hum - il parvenait toujours à s’en sortir. Maëlia avait même prit place dans un bras. Un geste qui n’avait pas déstabilisé Jacob, qui l’avait accueillit avec un sourire bienveillant. Sourire qui se crispa légèrement lorsqu’elle prit la parole. « Jacou ». Regard noir de la part de Jacob. Si ses yeux avaient pu changer de couleur, ils auraient véritablement pris une teinte charbon. Le Préfet-en-Chef avait plus qu’horreur de ce surnom et sa petite sœur en usait et en abusait avec délectation. Elle avait de la chance de ne pas être dans son meilleur jour, car la vengeance aurait pu être très rude pour Maëlia. Humpfh. Enfin, façon de parler, hein ! Il n’aurait pas touché un cheveu de sa sœur, mais il existait une multitude de moyens pour la taquiner. Le Gryffondor passa rapidement outre l’emploi de son surnom en entendant le reste des propos tenus par sa sœur. Hmpfh. Amusant, ils se posaient quasiment les mêmes questions. Qu’est-ce qu’elle ferait sans lui l’année prochaine ? Qui la protégerait ? Conscient qu’il ne serait pas futé d’évoquer avec sa petite sœur, ses propres inquiétudes, Jacob répondit avec un large sourire, en plaisantant :

- J’ai déjà pensé rester une année de plus, mais je ne suis pas certain que les professeurs et les élèves arriveraient encore à me supporter. Tu sais que je peux montrer très chiant parfois… Et ils n’arrivent pas à m’apprécier à ma juste valeur.

Doucement, il s’écarta légèrement de sa sœur afin de mieux pouvoir la regarder et poursuivit d’un ton plus sérieux :

- Tout se passera bien, l’année prochaine. Tu auras toujours tes amis, ils seront là pour toi si tu as besoin d’eux… Et pour le reste tu te débrouilleras très bien, j’en suis persuadé.

Arf. Il avait l’impression d’entendre Ephraïm parler à travers lui ! Il lui avait, à peu de choses près, dit les mêmes mots, lorsqu’il avait évoqué sa peur de ne plus pouvoir être aux côtés de Maëlia, l’année suivante. En même temps, qu’aurait-il pu lui dire d’autre ? Qu’étant donné qu’il ne serait plus là, il faudrait qu’elle redouble d’attention pour ne pas avoir d’ennuis ? Mouais. Elle venait tout juste de lui dire qu’elle ne cessait de faire des cauchemars, il n’allait pas lui donner des raisons d’en faire de nouveaux !

- On se verra pendant les vacances… Et j’arriverais bien à venir te voir si ça ne va pas, ajouta-t-il dans un large sourire.

C’était une bien maigre consolation. Pour lui, en tout cas. Il avait la vague impression d’être plus inquiété que sa sœur par ce qui allait se passer. Il s’efforçait de la rassurer en lui affirmant que tout se passerait bien pour elle, alors qu’il n’en pensait pas. Ou plutôt, qu’il avait du mal à croire à ce qu’il lui disait. Après tout, c’était une Bleiddwin. Et les Bleiddwin parvenaient toujours à s’en tirer. Presque toujours, si on évoquait leurs parents. Hm. Mouais. L’année allait vite passer, malheureusement. Et Jacob aurait bien le temps d’angoisser.

Maëlia était loin d’en avoir fini avec ses interrogations. Elle en vint ainsi à lui demander si « la meute Bleiddwin » - l’expression fit sourire Jacob, le loup-garou la trouvant un peu pompeuse, et préférant largement désigner les membres la composant comme ses amis et non comme sa meute – laissant Jacob pensif. Pour être franc, lui-même ne savait pas ce qu’il adviendrait de son groupe d’amis, une fois l’année terminée. Pourraient-ils seulement continuer à se voir après ? En outre, leurs âges divergeaient. Si certains étaient, tout comme lui, en septième année, ce n’était pas le cas de tout le monde. Il put néanmoins répondre sans peine à sa petite sœur :

- Bien sûr qu’ils continueront à être gentils avec toi. Ils n’auraient pas de raison de t’en vouloir, de toute façon.

Et puis si on touchait un cheveu de sa sœur… Ouais, ouais. On connaissait la chanson. Il ne le permettrait pas et ferait payer chèrement les coupables. Il était fort peu probable qu’il se retrouve face à une telle situation avec l’un des membres de sa meute. Il n’eut guère le temps de se pencher plus en avant sur la question, que, suivant probablement le fil de sa pensée, Maëlia poursuivit en lui demandant pourquoi elle ne s’était toujours pas transformée en loup-garou. Lui-même l’ayant fait à un âge plus qu’avancé. En même temps, ce n’était pas une chose dont il se vantait. Tout s’était déroulé si rapidement et sans qu’il ne puisse rien contrôler ! Plus il y pensait, plus il aurait presque préféré que ce moment arrive beaucoup plus tard. Il appréciait sa condition de loup-garou, mais il devait admettre que celle-ci pouvait parfois être un poids, lourd à supporter, notamment à un âge aussi jeune.

- Je ne suis pas un bon exemple pour ça. Certains mettent plus de temps que d’autre et je pense que ce n’est pas plus mal, répondit-il en choisissant soigneusement ses mots.

Maëlia en vint finalement à lui demander les effets ressentis lors de la première transformation. Jacob ne put s’empêcher d’esquisser une légère grimace. Sa première transformation était liée au décès de leurs parents et s’était surtout déroulée sous le coup de la colère. C’était un mauvais exemple, là encore. Il avait le souvenir cuisant d’avoir horriblement souffert, sans pour autant parvenir à se rappeler ce qui c’était passé après qu’il ait prit la forme d’un loup. Son corps était encore bien trop jeune pour parvenir à supporter une telle transformation. Objectivement, il ne pouvait donc pas répondre à sa sœur. D’après les commentaires de ceux, ayant passé par le même stade que lui, qu’il avait interrogés, la douleur était bel et bien présente mais ne semblait pas aussi intense, mais contrairement à lui, ils se souvenaient parfaitement de ce qui était arrivé après et des premières minutes qu’ils avaient passé transformer en loup. Il décida de raconter cette version à sa sœur, présentant sous son aspect le plus avantageux :

- Et bien, la transformation en elle-même est un peu douloureuse. Mais une fois que tu as pris ta forme de loup, tu as l’impression d’être libre et invincible. C’est… C’est assez exaltant. Mais tu auras le temps de le découvrir par toi-même, ne t’en fais pas, ajouta Jacob dans un sourire.

Le sourire de Jacob se crispa à la dernière question de Maëlia. Décidément, elle avait véritablement le don pour enchaîner les sujets épineux, ce soir ! Elle venait, en employant ses propres mots, de lui demander s’ils étaient ou non en danger à Poudlard. Ou tout du moins, moins qu’à l’extérieur de l’école. Elle avait une vision légèrement altérée de la réalité. Là, il n’avait plus le choix. Il devait vraiment lui expliquer ce qui se passait au sein de l’école. Il se frotta nerveusement les yeux avant de commencer :

- Hm… Maëlia… Avec des vampires dans ses murs, Poudlard ne peut pas être sans danger. Et puis il y a aussi certains élèves qui ne supportent pas les loups-garous… C’est une petite école, ce qui signifie qu’on a plus de chance de tomber sur des personnes qui… Euh… Ne nous apprécient pas, que si on se trouvait à l’extérieur. Et c’est d’ailleurs pour ça que je ne veux pas que tu traînes dans les couloirs, la nuit.

Il marqua un temps de pause, hésitant visiblement à poursuivre, avant d’ajouter, d’un ton déterminé :

- Pour les sangsues tu serais une proie parfaite, parce qu’ils savent très bien que s’il t’arriverait quelque chose, j’en souffrirais énormément. Alors, s’il te plait, ne leur donne pas cette occasion et essaye de te montrer un peu plus prudente.

Mouais. Lui qui, au départ, ne comptait pas trop l’effrayer... C’était raté.

Maëlia ne paraissait pas vraiment effrayée par ce qu’il venait de lui raconter. Visiblement, entre eux deux, il était le plus anxieux. Jacob la dévisagea attentivement. Ni crise de larmes, ni regard apeuré, ni même un semblant d’inquiétude ne se lisait sur le visage de sa petite sœur. On aurait ou croire qu’il venait de lui donner une recette de cuisine – chose impossible puisqu’il ne cuisinait pas – tellement elle paraissait impassible. Jacob ne savait pas vraiment s’il devait s’en réjouir ou non. Soit elle assez mûre pour prendre les choses avec suffisamment de recul, ou soit elle n’était pas encore totalement consciente du danger que représenté par les vampires.

"Jacob ? Si je me retrouvait face à un vampire je devrait faire quoi ?"

Euh… Mouais. Bon, vu la question, Jacob optait plutôt pour la deuxième hypothèse. Il jeta un coup d’œil en biais à sa petite sœur et vérifia qu’elle ne plaisantait pas. Il hésitait à lui répondre, avec un humour un peu sordide, certes, quelque chose du style « Et bien, tu lui demandes s’il a faim… », mais c’eût été fort déplacé et il n’aurait pas souhaité que Maëlia le prenne au pied de la lettre. Se frottant l’arrière de la tête dans un soupir, Jacob déclara finalement pour toute réponse :

- Tu pries pour qu’il se contente de sang animal. Et tu hurles assez fort pour que je puisse t’entendre.

Ok. Ce n’était probablement pas ce qu’il avait dit de plus intelligent et on ne retiendrait pas cette phrase comme une citation phare de son existence. En même temps, il était assez ardu de trouver une réponse sensée à lui donner. Car qu’aurait-elle pu faire contre un vampire ? La fuite était inutile, ils étaient bien trop rapides. Le combat également, elle n’aurait pas le fait poids. Des sortilèges ? Il fallait encore qu’elle pense à prendre sa baguette ! Conscient, qu’il s’était montré un peu trop concis et n’avait pas exactement répondu à sa question, Jacob reprit:

- Plus sérieusement, Maëlia, je ne sais pas. Il n’y a pas de guide pratique « Que faire si vous vous retrouvez devant un vampire ? ». Il faut que t’essayes de lui parler, afin de gagner du temps. Montre lui que tu ne le crains pas.

Ou trouve quelque chose pour qu’il évite de trop s’approcher de toi… Jacob plia ses jambes et les ramena devant son buste. Il les encercla de ses bras, laissant mollement pointée sa baguette sur le sol, afin qu’elle continue tout de même de diffuser la lumière, puis poursuivit :

- Dans tous les cas, si tu ne les cherche pas, tu n’as pas à te retrouver face à un vampire. Tu n’as pas à craindre cette situation.

Il lui jeta un regard appuyé. Il ne venait pas seulement de lui donner une réponse mais également de lui donner un ordre. Elle ne devait pas s’approcher trop d’eux et tenter d’oublier leur existence. Ce qui n’était pas forcément évident, étant donné qu’ils pullulaient vraiment dans Poudlard, mais elle pouvait toujours essayé…

"Dis quand tu sera partit de l'école, se sera qui le chef de la meute ?"

La question de Maëlia tira Jacob de ses pensées. Il eut un temps de réflexion, sachant qu’il ne savait même pas ce qui se passerait après Poudlard. Et pour être franc, ce n’était pas ça qu’il le préoccupait pour l’instant. Les choses se dérouleraient naturellement, aussi naturellement que son groupe s’était formé.

- J’imagine que la « meute » partira avec moi. Beaucoup vont partir l’année prochaine, tout comme moi. Et pour les autres, ils seront libres de nous quitter s’ils le souhaitent, pour fonder leur propre « meute ». Pourquoi cette question ? Demanda-t-il, curieux.

"Tu ne te moque pas de moi. "Commença-t-elle. Bah. Il ne se moquait jamais d’elle ! Il était bien trop respectueux vis-à-vis de sa petite sœur pour oser agir ainsi ! Hm… Mouais. Ok, il est vrai qu’il lui arrivait parfois de la taquiner un peu, même beaucoup. Mais ça ne partait jamais d’une mauvaise intention, hein ! Quoi qu’il en soit, vu l’air on ne peut plus sérieux qu’elle affichait, il comprit que l’heure n’était pas à la plaisanterie. Il fit un léger signe de tête signifiant qu’il ne ferait aucune remarque désobligeante concernant e qui allait suivre. Sa curiosité ayant en outre été aiguisée, c’est donc avec la plus grande attention qu’il l’entendit expliquer : "Je demandais sa parce que je pensais que peut-être...je pourrais devenir la chef quand tu sera partit."

Euh… Oui, bon. Il s’était promis de ne rien dire et de ne pas se moquer, mais d’abord étonné, il ne put s’empêcher de sourire devant l’ambition évidente de sa petite sœur. Hé beh… Irait-elle jusqu’à le pousser hors de Poudlard pour réussir plus rapidement à la tête d’une « meute » ? Et si elle l’enfermait dans une pièce ou quelque part et faisait croire à sa disparition ? Ou il pourrait tout bonnement lui laisser sa place… Sa vie deviendrait tellement simple ! Mais tellement plus ennuyante… Hm. Mouais. Maëlia ne semblait guère apprécié l’air mi-amusé mi-étonné qui s’était dessiné sur son visage, puisqu’elle croisait désormais les bras. Mieux valait qu’il mette ses hypothèses farfelues de côté et qu’il lui réponde sans détour et surtout sans moquerie :

- Ne te préoccupe pas de ça, pour l’instant… Tu as tes propres amis. Et le jour où tu te transformeras, les choses se feront si naturellement que tu fonderas ou que tu appartiendras à ta propre meute. Et souviens-toi que l’important, ce n’est pas la place que tu occupes dans celle-ci, mais c’est de savoir que tu seras entourée de personnes qui te soutiendront et que tu soutiendras en cas de besoin. Et ceux qui seront avec toi auront beaucoup de chance, car je sais qu’on peut compter sur toi.

Il lui adressa un large sourire franc. Il n’était pas certain que sa sœur ait réellement souhaité entendre ça. Parallèlement, il s’imaginait mal lui affirmer qu’elle deviendrait un jour l’alpha d’une meute alors qu’il savait pertinemment que l’ambition ou la volonté n’était pas la clé de tout. Lui-même était désormais reconnu comme tel, car il avait avant tout, fait la connaissance de véritables amis qui avaient appuyé ses pensées et ses propos concernant les vampires. Mais, plus jeune, il n’avait jamais envisagé qu’il en arrive là où il en était.

La voix de Maëlia, retentissant dans le couloir, le tira des pensées dans lesquelles il était plongé. Il se releva, s’épousseta légèrement, songeant que c’était sa cadette et qui plus est, n’avait même pas de poste à responsabilités au sein de l’école, qui avait songé qu’ils devaient quitter le couloir et rejoindre leur dortoir. Une chose était certaine : elle ferait une parfaite Préfète voir même Préfète-en-Chef, lorsqu’elle serait plus âgée ! Elle remplirait probablement ce poste avec plus de sérieux qu’il ne le faisait, lui-même abusant de ses responsabilités pour faire rager au maximum ses « amies les sangsues ».

- Hm… Vas-y, retourne-y. Et directement, sans emprunter de chemins détournés… Moi, j’vais descendre grignoter un truc aux cuisines avant.

Il la suivit des yeux un qu’elle lui obéissait – pour une fois ! Son autorité commençait enfin à faire ses preuves ! – et s’apprêtait lui-même à quitter les yeux dans la direction opposée, lorsqu’elle se retourna une dernière fois et le remercia. Il ne put s’empêcher d’afficher un large sourire, à la fois fier et heureux qu’elle le complimente ainsi. Et lui rétorqua simplement :

- T’es pas mal non plus, p’tite sœur. J’ai beaucoup de chance de t’avoir.