~ Jacob Bleiddwin [Fini]

- Comment m’avez-vous retrouvé ?
- Tu es aussi discret qu’un troupeau d’Eruptifs, lorsque tu fuis. Et ce n’est pas la première fois que ça arrive, je crois que je commence à te connaître depuis le temps…

Une grimace ou plutôt un simulacre de sourire, s’afficha sur le visage, tandis qu’il se retournait vers Ephraïm, une foule d’excuses se bousculant à ses lèvres. Il fallait avouer qu’il n’avait pas été toujours très tendre à l’égard de son tuteur. A Poudlard, il était connu pour être un garçon plutôt sympathique, agréable, une personne de confiance, n’abusant pas de crises de colère excessives… Alors que son tuteur le voyait, auparavant, plutôt comme quelqu’un de méfiant, agressif, fort peu respectueux… Etc. Un vrai petit monstre, en somme. Jacob s’était montré véritablement ignoble avec lui, à son arrivée dans la maison. Ephraïm recevait, malgré lui, toute sa colère destinée à Aleksandr de Longsdale. Il abusait de sa lycanthropie pour fuir le plus souvent possible la demeure de son oncle. Il avait encore un souvenir marquant de sa première fugue. C’était un soir de pleine lune, un mois, à peine, après le décès de ses parents. L’astre flamboyait d’une luminosité telle qu’elle offrait une visibilité accrue pour les promeneurs nocturnes. Allongé sur son lit, Jacob s’était finalement levé et s’était approché de la fenêtre, attiré par les lueurs lunaires que les rideaux laissaient passer. Il avait sentit son corps presqu’implorer une transformation et s’était retrouvé en l’espace de quelques secondes, recouvert de poils sombres, presque noirs, métamorphosé en loup. Ce qu’il n’avait pas prit en compte, c’est sa soif de vengeance qui lui taraudait l’esprit. Il voulait sentir ses griffes s’enfoncer dans un corps, afin d’apaiser sa colère. C’est brutalement qu’il se rua hors de sa chambre. L’odeur d’un humain, endormi à côté l’avait interpellé, il avait commencé à se diriger vers cette odeur, avant d’être arrêté dans sa course par un nouveau venu. Ephraïm venait littéralement de monter les marches en courant pour s’interposer face à la colère de son neveu. Jacob, s’était rué sur cette nouvelle cible avec un entrain visible. Un sort l’avait brutalement arrêté dans sa course. Projeté en arrière, il était resté quelques secondes étourdit, avant de parvenir à gagner l’extérieur, Ephraïm étant occupé par une Maëlia en pleurs. Cette nuit là, Jacob avait couru des kilomètres. Il était parvenu jusqu’à la maison de ses parents et s’était effondré en pleurs sur leur lit en reprenant forme humaine. Ephraïm l’avait retrouvé dans la même position quelques heures plus tard, et, silencieusement sans aucune dispute, l’avait ramené chez lui. Les relations entre Jacob et son oncle s’arrangèrent après cette nuit là, même si Jacob continua de passer des nuits entières hors de la demeure. Bien entendu, Il sentait, plus qu’il ne savait réellement, qu’Ephraïm était toujours là pour garder un œil bienveillant sur lui. Ce fut d’ailleurs son oncle qui l’aida à canaliser sa colère, afin que les transformations de Jacob se déroulent sans le moindre problème et qu’il puisse rester pleinement conscient de ces faits et gestes, et ce, même durant les nuits de pleine lune. Par la suite, son comportement changea en grande partie grâce à Maëlia. Jacob finit par comprendre qu’Ephraïm s’efforçait de forger un univers sécurisé autour d’eux, et que sa petite sœur méritait amplement ce qu’on lui offrait.

- Moi qui pensais ne pas avoir laissé de traces cette fois-ci, murmura Jacob dans un large sourire.

Ephraïm ne sembla pas relever la remarque et avança près de Jacob, jusqu’à se tenir à ses côtés. Encore une fois, il fut surprit de la taille de son neveu. Les années passaient et il lui semblait devenir de plus en plus immense, de plus en plus puissant. Lui-même paraissait petit, à ses côtés. Il l’avait vu changer à une vitesse fulgurante. Des cheveux sombres lui arrivant au moins jusqu’aux épaules, – « Ils me tiennent au chaud, lorsque je me transforme en hiver », expliquait le concerné en riant lorsque son oncle lui faisait remarquer qu’il devrait se les faire couper – un visage avenant aux traits réguliers, le faisant paraître plus âgé qu’il ne l’était en réalité, et une taille imposante – probablement l’aspect le plus marqué de son physique - : il avait immanquablement changé depuis le jour où ils les avaient recueillis, lui et sa sœur chez lui. Seuls ses yeux étaient restés les mêmes. Aussi bleus, aussi profonds qu’avant. Ephraïm fut même surprit d’y lire le sentiment qu’il y avait lu, quelques années auparavant, lorsque ce regard ce tourna vers lui. D’une voix posée, il rompit le silence qui s’était installé entre eux pour demander :

- Tu es anxieux ?

Un rire sans joie s’échappa de la bouche de Jacob.

- Anxieux est un faible mot. Je suis totalement effrayé.

Risible n’est-ce pas ? A Poudlard, Gryffondor, sa maison, était l’illustre maison du courage, de la bravoure. Il se souvenait encore de sa répartition. Il savait uniquement que ses parents avaient étudié dans cette maison et rêvait de suivre un parcours similaire au leur, afin de pouvoir se rapprocher d’eux, d’une certaine manière. Et ce fut avec fierté qu’il se vit répartir à Gryffondor. A la rentrée, il commencerait sa septième année dans cette même maison. Qui plus est, en tant que préfet-en-chef, au vu de la lettre qu’il avait reçu quelques jours plus tôt. Bref. On aurait donc pu croire qu’il ne ressentait jamais ni peur, ni anxiété. C’est d’ailleurs ce qu’il laissait entendre à l’école. Il ne souhaitait surtout pas montrer ses faiblesses devant les buveurs de sang. Et au lieu de ça, il passait ses derniers jours de vacances dans un état de crainte constant. La raison en était simple : c’était sa dernière année à Poudlard. Qui allait protéger Maëlia lorsqu’il n’y serait plus ? Certes, les de Longsdale auraient probablement déserté les lieux. Mais elles n’étaient pas seules, malheureusement, et chaque année, les vampires affluaient en masse à Poudlard – selon Jacob, bien entendu.

- Plus la date de la rentrée avance, plus je revis ce moment. A chaque fois les détails sont plus précis. Seul son visage change. De temps en temps, je le revois lui, Aleksandr de Longsdale, d’autres fois c’est sa fille : Ailyn. Une peste. Ajouta t-il, sarcastique.

Ou également « sa meilleure ennemie » ou « ennemie attitrée ». Et ce, dès leur première rencontre. Jacob l’avait aperçue en compagnie de sa famille, sur le chemin de Traverse, le jour même où il venait acheter sa baguette. Il n’avait pas prêté attention à la jeune fille. Ni à sa sœur, d’ailleurs. Non, c’est leur père qui l’avait immédiatement interpellé. Son odeur, son visage, son air hautain, son sourire moqueur, tout chez lui resterait à jamais gravé dans son esprit. Dès lors, Aleksandr de Longsdale était devenu le vampire à abattre dans l’esprit de Jacob. Il avait néanmoins été très rapidement détrôné par sa fille, Ailyn de Longsdale. Il avait revu la jeune fille lors de son premier trajet dans le Poudlard Express. Naïvement, il faut l’avouer, Jacob n’avait pas imaginé qu’il passerait les sept prochaines années entouré de vampires. Leur présence à Poudlard lui apparaissait comme invraisemblable. Il avait vite déchanté. A peine avait-il visité les premiers compartiments, que l’odeur atroce, tenace de pourriture était venue lui chatouiller les narines. Il avait fouillé les autres compartiments, afin de pouvoir mettre cette odeur si familière sur un visage. Et il était tombé sur elle. Il n’avait d’ailleurs pas immédiatement fait le rapprochement. C’est lorsqu’elle avait osé évoquer le nom de ses parents qu’il avait comprit. Et durant ses six premières années à Poudlard, il n’avait pas tenté d’éviter les affrontements avec Ailyn. Au contraire. C’était toujours avec délectation qu’il la combattait. Elle, sa sœur et tous ceux de leur espèce.

- Pourquoi as-tu peur ? demanda Ephraïm, rompant le silence qui s’était installé
- J’ai peur pour Maëlia. C’est ma dernière année à Poudlard. Et qu’est-ce qu’elle fera après ? Qui la protégera ? Ils se multiplient d’années en années, à croire qu’ils ont peur que leur race ne survivent pas, s’ils quittent définitivement Poudlard !
- Maëlia sait se défendre. Ou elle apprendra, comme tu l’as fait. Répondit calmement Ephraïm.
- Mais elle est trop jeune. Elle est innocente, elle ne devrait même pas à avoir à se défendre contre eux ! Ils ne devraient pas exister, tout simplement.

- On ne peut pas aller contre la nature, Jacob...

Avec regret, Jacob ne pût qu’approuver la conclusion de son oncle. La nature les forçait à côtoyer des êtres dénoués de tout respect pour les autres races habitants sur terre. Pire encore, les humains leur servaient de repas. Charmant. Seuls les loups-garous étaient assez puissants pour les affronter et ainsi tenter de protéger les êtres humains. Chose qui n’était pas toujours effective, puisque, bien que lycans, les parents de Jacob était décédés sous les… Dents d’un vampire. Néanmoins, conscients de leur puissance, les loups-garous se donnaient pour devoir de protéger les humains de leurs prédateurs. Pour Jacob, la lycanthropie n’apparaissait plus comme un fardeau, depuis sa première année à Poudlard. Probablement parce qu’il s’en servait comme une arme capable de combattre les vampires et d’assouvir la soif de vengeance qui le taraudait depuis la mort de ses parents. A l’inverse, il n’aurait pas souhaité que sa sœur dû subir un sort similaire au sien. Elle était trop jeune, trop fragile selon lui, pour se lancer dans un combat aussi long et douloureux que celui qu’il vivait. Il était absolument hors de question qu’elle soit mêlée à tout ça ! Jacob ne lui avait encore pas révélé l’identité d’Ailyn. Il avait prié sa petite sœur de ne pas s’approcher de cette peste sans lui avouer que celle-ci était l’une des filles de l’assassin de leurs parents. Après tout, Maëlia n’avait pas à se préoccuper de tout ça… Il fallait simplement qu’elle vive sa vie.

- … Mais on peut toujours la forcer à se modifier, rétorqua simplement Jacob.

Un air déterminé se lisait sur le visage du jeune homme à l’instant présent. Le même qui était apparut lors de l’enterrement de ses parents. Ephraïm se souvint que les yeux bleus du garçon étaient alors mouillés de larmes, mais qu’aucune n’avait coulé sur ses joues. Les poings serrés, il paraissait être emplit d’une colère, d’une rage contenue. Il semblait étonnamment absent. Comme si les gestes, les bruits ou les propos des autres personnes présentes ne le touchaient pas. Il paraissait inébranlable, intouchable, perdu dans une bulle dont personne n’avait l’accès. Seule Maëlia, effectuant un geste en sa direction, avait parut le détendre un court instant. Et le retour avait été tout autant silencieux. Pour tout dire, Jacob avait été mortifié d’apprendre qu’ils allaient passer, lui et sa sœur, leurs prochaines années chez son oncle. A quoi pensait-il ? Qu’on allait les laisser vivre, Maëlia et lui, seuls chez eux, sans leurs parents ? Et bien, il avait vite déchanté. Quoi qu’il en soit, les choses s’étaient visiblement améliorées, puisqu’il semblait heureux, désormais. Enfin, presque.

- Jacob, tu ne pourras pas changer le monde. Même avec l’aide de tes amis. Reprit posément Ephraïm.

Jacob ne put s’empêcher de s’esclaffer. Ses traits se détendirent instantanément et il offrit un large sourire à son oncle. Voilà que son tuteur se mettait à parler comme Luthien, désormais ! Il avait rencontré la jeune femme lors de sa deuxième année à Poudlard. Jacob avait pris l’habitude de proposer aux nouveaux loups-garous, d’intégrer sa meute, et de profiter ainsi de sa protection. C’est ce qu’il avait proposé à Luthien lorsqu’il l’avait rencontré, et bien qu’il se soit montré fort vindicatif concernant la description qu’il avait dressé des vampires, Luthien s’était montrée intraitable, en affirmant que les loups-garous et les vampires pouvaient se côtoyer sans forcément avoir recours à l’affrontement. Quelques temps plus tard, Jacob avait eu la surprise de la voir former sa propre meute, sans y voir là, pour autant, un quelconque danger. D’ailleurs les relations avec la jeune fille étaient toujours aussi cordiales, même s’ils n’étaient pas totalement d’accord quant au comportement à adopter vis-à-vis des Sangsues. De toutes façons, seuls les vampires se disant « végétariens » parvenaient à trouver grâce aux yeux de Jacob. Et encore, le loup-garou se montrait toujours méfiant concernant leur soi-disant régime alimentaire. N’y avait-il pas toujours un risque qu’ils se tournent de nouveau vers le sang humain ?

Quoi qu’il en soit, malgré leurs divergences d’opinions, les deux meutes ne s’étaient jamais affrontées. Jacob ne l’aurait jamais permis, de toute manière. Il s’était toujours efforcé de ne pas se comporter comme un tyran au sein de sa meute, mais il souhaitait néanmoins que ses amis respectent ses choix. Pour tout dire, sa meute s’était formée plutôt naturellement autour de lui. Son premier voyage dans le Poudlard Express, ne lui avait pas apporté que de mauvaises surprises, puisqu’il y avait également fait la rencontre de Seth, loup-garou tout comme lui, devenu son plus proche ami, depuis. Jacob avait immédiatement exposé ses opinions concernant les vampires. Il n’était pas le seul à partager ce point de vue, puisque des loups-garous vinrent peu à peu rejoindre ses rangs. Ce fut naturellement qu’il se retrouva à leur tête, sans qu’il ne montre pour autant un quelconque signe d’autorité à leur égard. A vrai dire, Jacob préférait présenter sa meute comme une sécurité pour les loups-garous, plutôt que comme un engagement de leur part dans un combat sans fin. Il est certain que la meute n’offrait pas que des avantages, Jacob était parfaitement conscient qu’il n’était pas toujours agréable de voir ses pensées partagées par tous les membres de la meute, lors des transformations. Il s’efforçait néanmoins de toujours leur laisser le maximum de liberté et d’indépendance, afin qu’ils ne voient pas leur appartenance à sa meute comme un fardeau. A Poudlard, il s’était finalement donné comme rôle de protéger les humains contre les vampires et de protéger les siens, bien évidemment. Et il était plutôt étrange de se dire que sa meute ne pourrait plus être aussi soudée au terme de sa dernière année…

- Je peux toujours rêver, déclara un Jacob légèrement amusé.

Ephraïm jeta un coup d’œil en biais à son neveu, vérifiant vraisemblablement que celui-ci plaisantait. Désormais convaincu de ce fait, il conclut :

- Ne t’inquiète pas tant pour ta sœur. Je suis certain que tout ira bien pour elle aussi. Elle n’est pas aussi fragile que tu sembles le penser. Et je suis surpris qu’elle arrive encore à supporter ta surprotection.
- Elle n’a pas le choix, répondit Jacob en souriant.

Il plaisantait évidemment. Hm. Mouais. Il ne plaisantait qu’à moitié seulement. Maëlia était la prunelle de ses yeux. Son petit joyau qu’il chérissait terriblement, même s’il ne se montrait pas toujours très tendre avec elle. Il était terriblement fier de l’avoir pour petite sœur et cherchait toujours à la protéger de tout et de tout le monde. Ce qui n’était probablement pas toujours au goût de Maëlia même si elle n’en laissait rien paraître. Ou tout du moins, pas tout le temps.

Ephraïm posa sa main sur l’épaule de Jacob, tirant le loup-garou de ses pensées.

- Rentrons. Une longue journée t’attend, demain.